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Anne Sinclair en voyage « au pays désenchanté » de Donald Trump

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Anne Sinclair en voyage "au pays désenchanté" de Donald Trump

 

Anne Sinclair raconte cette semaine ses rencontres avec des Républicains américains : comment vivent-ils la présidence Trump? (Sipa)

Quelques jours à Washington, ville qui n’a donné que 4% de ses voix à Donald Trump. Il fait un soleil mordant pour qui arrive de France, et ce sont des habitants désabusés que je croise. Plutôt que de voir des démocrates dont la détresse conforte la nôtre, il m’a semblé intéressant de rencontrer des républicains, résignés ou effondrés selon les cas, mais qui permettent d’affiner notre impression, restée figée au jour de l’élection. Ce que je perçois d’abord est un curieux soulagement : le pire, disent-ils, n’est pas (encore) arrivé! L’Obamacare n’a pas été démantelé, aucun mur n’a été érigé face au Mexique, le Congrès joue son rôle et la Cour suprême aussi. Autrement dit, Trump vocifère mais ne fait pas grand-chose.

Mais ses tweets violents, son vocabulaire non maîtrisé? « Certes, je n’emploierais pas les mêmes mots que lui », me répond, un peu gêné, Ken Weinstein, un homme respectable, directeur du très sérieux Hudson Institute, un think tank proche des républicains. « Mais sur tous les sujets, il fait comprendre qu’on est dans une nouvelle ère, que le business as usual ne saurait continuer », ajoute-t-il, soucieux de bâtir une cohérence là où il n’y en a peut-être pas. Dans le ton, sinon de l’admiration, du moins de l’étonnement devant l’instinct de Trump à saisir le sentiment populaire. « Les Américains qu’on n’écoutait plus ont au moins l’impression d’être entendus et, pour eux, c’est le plus important », me dit-il.

Sur la Corée du Nord, « il fallait que quelque chose se passe »

Et la Corée du Nord, l’effarant discours de l’ONU? « Il fallait que quelque chose se passe », me dit un deuxième expert en trumpologie. « Tous les présidents ont échoué jusqu’ici à décourager la Corée du Nord de se doter de l’arme nucléaire. Peut-être que cet avertissement portera ses fruits », dit-il sans y croire vraiment. Le directeur du Hudson Institute va, lui, jusqu’à suggérer que l’Amérique pourrait causer de graves dommages si elle bombardait la Corée et que Kim Jong-un, tout délirant qu’il est, le sait bien. Je n’en crois pas mes oreilles : envisage-t-on vraiment pareille folie? Non, non, me rassure James Kirchick, journaliste et chercheur plutôt de droite mais farouchement anti-Trump dès l’origine, « le président est en fait un coward, un trouillard, qui fanfaronne mais n’osera jamais aller jusqu’au bout, entouré de surcroît de bons collaborateurs qui sauront neutraliser les mauvaises décisions ». Etrange d’ailleurs que des femmes ou des hommes intelligents aient pu rejoindre l’irrationnel dirigeant. Par opportunisme sans doute, mais aussi pour peser de l’intérieur, pour limiter la casse. Question vieille comme le monde : lutte-t-on mieux au-dehors ou du dedans?

Sur la Corée, il y a en fait trois possibilités, me dit un quatrième interlocuteur. Ou bien Trump arrive à crédibiliser l’option militaire pour mettre la pression sur les Chinois ; ou bien il agite une dissuasion classique pour établir une ligne rouge ; ou bien… Sa phrase reste en suspens. C’est cela le plus troublant, finalement : même ceux qui veulent parier sur une rationalité relative de Trump laissent toujours planer l’idée qu’ils peuvent se tromper complètement.

L’Amérique est entrée dans une guerre culturelle et se divise sur tout

Tout cela pose la question de savoir si Donald Trump est une parenthèse de l’Histoire, ou s’il colle désormais à notre époque, violente et improbable. Mes interlocuteurs espèrent – sans vraiment y croire – que c’est un mauvais moment à passer.

En fait, l’Amérique est entrée dans une guerre culturelle et se divise sur tout. Pas de film qui ne sorte sans faire polémique ; le sport – on l’a vu avec la controverse sur les footballeurs agenouillés – n’est plus à l’abri des querelles ; et même les relations amicales sont affectées par des fâcheries irréconciliables. L’Amérique est fragmentée, l’un des camps ayant trouvé quelqu’un qui flatte sa colère.

Kirchick est très sévère : « A la tête de l’Etat, on a un homme dont la maturité intellectuelle est celle d’un enfant de 5 ans. Pour lui, seul l’argent fait sens, les valeurs ne comptent pas, ni l’intérêt national. Plutôt que dénoncer un scandale par jour, la presse devrait se focaliser sur les vraies turpitudes de l’ère Trump, c’est-à-dire le mélange des affaires publiques et de ses intérêts privés! »

Avant de partir, je veux passer par le Trump Hotel situé entre la Maison-Blanche et le Capitole. Drôle d’impression d’entrer dans un cinq-étoiles appartenant au président des Etats-Unis! Siège de la poste de Washington en 1899, il a une apparence de vieux château anglais. Le lobby, cerclé de poutrelles métalliques façon tour Eiffel, est parsemé de lustres clinquants et de beaucoup de dorures. Au-dessus du bar, un écran géant diffuse Fox News – évidemment. Dehors, les touristes font des selfies devant la porte.

 

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Une Réponse à Anne Sinclair en voyage « au pays désenchanté » de Donald Trump

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