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14 août 1791, Cérémonie du Bois -Caiman : Une nuit d’alliance

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par Pratt Vernio MEMNON

Compte tenu du rôle joué par le vaudou dans le rassemblement du Bois-Caïman au Morne Rouge, étant donné la portée de cette cérémonie marquant le début de l’insurrection des esclaves contre les Français, n’y a-t-il pas lieu de consacrer le 14 août, «journée de commémoration nationale du vaudou» ou «jour national de Boukman Dutty»?
Cela représenterait une façon concrète de s’approprier cette religion ancestrale importée d’Afrique, ou encore de rendre hommage à cet esclave de conviction et de courage qui a bravé les puissances colonialistes de son temps.
 
Cette réunion d’esclaves, organisée dans la nuit du 14 août 1791 par Cécilia Fatima, représente une cérémonie unique en son genre. Appelée traditionnellement « l’acte fondateur de la révolution et de la guerre d’indépendance », elle est d’une richesse solidaire inestimable dans l’histoire antiesclavagiste haïtienne. D’aucuns se souviennent du « Serment du Bois-Caïman » ou de la « Prière de Boukman » qui était une invitation à la mobilisation des énergies de tous les révoltés pour un grand soulèvement général contre l’esclavage.
 
Cette « cérémonie vaudou  » du Bois-Caïman, qui était la base , la plateforme spirituelle sur laquelle reposait tout ce mouvement de révolte, était d’abord et avant tout une cérémonie d’alliance : alliance entre des hommes et des femmes refusant l’abêtissement de l’homme par l’homme, alliance entre des esclaves de cultures et de traditions diverses, alliance entre la terre saint-dominguoise et les dieux africains, alliance entre la fougue de l’homme créole humilié et la sagesse spirituelle africaine, alliance entre les énergies physiques et mystiques de l’Africain enchaîné, alliance entre le nègre esclave et le mulâtre, alliance entre la souffrance des noirs et la mémoire des rouges – les premiers habitants de l’île -, alliance entre l’intérêt particulier et le bien-être collectif.
 
Cette alliance, ce faisceau idéal qui revêtait une portée universelle de liberté, incitait les esclaves à transformer leurs pratiques individuelles de désobéissance: marronnage, suicide, avortement ou empoisonnement en un vaste mouvement de révolte, précurseur de l’indépendance haïtienne. Ce mouvement populaire sans précédent qui réunissait tous les esclaves de la colonie inaugura en effet un nouveau présent et laissa entrevoir à nos ancêtres, écrasés par les ténèbres de l’esclavagisme, un futur radieux.
 
Trinity United Church of Christ - Notable Caribbean Leaders PRIEST DUTTY  BOUKMAN Dutty Boukman was a Jamaican-born Haitian slave who was one of the  most visible early leaders of the Haitian Revolution.
 
 
Dutty Boukman
 
 Lors de cette nuit, la plus importante de toute l’histoire mystique d’Haïti, un cochon créole fut sacrifié et son sang distribué aux participants pour étancher leur soif de liberté dans le désert esclavagiste. Les indigènes en burent pour se fortifier et devenir invulnérables, mais en réalité, ce sang devenu « sang de l’alliance » déposa en chacun d’eux la vaillance et la bravoure nécessaires qui permirent à Jean-Jacques Dessalines, environ douze années plus tard, de conduire la première révolte d’esclaves réussie du monde moderne et de fonder l’État d’Haïti arrachant ainsi nos ancêtres au monde esclavagiste.
 
Boukman, homme simple et cultivé, rompu aux luttes guerrières, prononça le discours de circonstance. La force et le dynamisme de son message, l’authenticité libératrice de son projet de société, tout cela emballa la classe des esclaves révoltés qui ressentirent alors un désir d’engagement absolu dans le combat pour la liberté. Ce fut un engagement vrai qui ramena à la rupture radicale que Boukman institua par rapport aux pratiques esclavagistes de son temps. C’est ainsi que naquît le mouvement de la libération de 1791, geste historique qui s’inscrit d’ailleurs dans la mouvance des bouleversements socio politiques français de 1789 et qui atteignit son apogée dans la nuit du 22 au 23 aout 1791.
 
Cette nuit-là, Boukman, chef de file des révoltés, déclencha un soulèvement général alimenté par une détermination inflexible de vaincre qui ébranla pour toujours les fondements du système colonial esclavagiste. Il réussit à conduire les révoltés jusqu’aux portes de la ville du Cap-Français, capitale de la colonie de Saint-Domingue (aujourd’hui Cap-Haïtien). Les autorités coloniales ripostèrent vigoureusement. Boukman périt au combat, mais la lutte ne fut pas interrompue pour autant. Sa tête coupée et exposée en pleine ville du Cap fortifia, renforça la détermination des noirs. Ainsi, tel un martyr forçant les portes de l’histoire, sa mort s’ouvrit sur le grand projet de libération des « insurgés noirs de Saint-Domingue et des îles environnantes». D’autres chefs dont Jeannot Bullet, Jean-François Papillon, Georges Biassou et Toussaint (qui n’était pas encore Louverture) reprirent, avec générosité et audace, la bataille pour conduire nos ancêtres assoiffés de liberté et affamés de dignité jusqu’à la victoire définitive de l’émancipation sur la servitude.
 
Related image
Le Marron Inconnu de Saint-Domingue,symbole de la liberté de la République d’Haiti
 
 L’idée fondamentale de cette nuit du 14 août 1791 tient encore aujourd’hui. Au moment où une force étrangère est présente sur notre territoire national, il est urgent de faire nôtre cette Prière de Boukman qui invite à l’unité et qui nous fait obligation de reconquérir notre souveraineté nationale, de la préserver et de la faire grandir. Pour cela, nous devons aller au-delà de nos différences sociales, politiques et intellectuelles pour abattre les murs d’hostilité qui nous séparent et assumer collectivement nos responsabilités de citoyens libres et indépendants. Nous devons également transcender notre gloire et notre bien-être personnels, mettre de côté nos sentiments de supériorité et nos réticences mesquines pour nous engager patriotiquement à changer la situation sociale des plus vulnérables de notre société. Nous devons prendre conscience de notre vulnérabilité économique et de nos failles environnementales pour trouver communautairement la solution idéale qui fera de notre nation une vraie réussite.
 
Car il n’y aura de souveraineté assurée pour la nation haïtienne que lorsque chaque citoyenne, chaque citoyen aura cessé de se préoccuper trop exclusivement de sonsoi-même pour penser à la patrie commune et devenir de solidaires bâtisseurs d’une Haïti nouvelle. Oser sortir du confort que nous procurent nos petits univers individuels, tenir compte dans nos grandes décisions de la complémentarité des opinions, des expériences et des aspirations des uns et des autres, nous en sommes capables, il suffit de le décider.

La cérémonie tenue à Bois-Caïman, célèbre clairière du Nord, fut un succès, un aboutissement grâce à cette formidable cohésion entre les diverses tribus africaines en quête de leur liberté. Ce fut pour tous les esclaves un temps de communion patriotique et spirituelle, d’entêtement à capter les signes de liberté dans l’enfer de la société esclavagiste. Les esclaves comprirent alors qu’il fallait aller jusqu’au bout de leurs démarches, que le temps était venu de faire ensemble le chemin conduisant hors de la servitude et de transcender leurs différences pour qu’ensemble ils forment le peuple libéré chargé d’apporter la liberté aux peuples indigènes des Amériques et du monde. Cette nuit-là, n’a t’il pas eu une force d’expression de la liberté hors du commun qu’il importe de revisiter ?
 
N’est-il pas nécessaire de garder vivante cette unité libératrice scellée dans le sang d’un cochon créole ? Ne devrions-nous pas faire du Bois-Caïman un haut lieu de célébration de la première grande révolution sociale nègre réussie de l’humanité afin que toutes les générations futures fassent mémoire ? À quand une célébration nationale de la cérémonie du Bois-Caïman aussi grandiose que le 18 mai, le 18 novembre ou le 1er janvier, ou encore à quand une journée consacrée à Boukman Dutty, figure mythique et mystique de la lutte insurrectionnelle haïtienne, aussi officielle que le 17 octobre ou le 7 avril ? Un tel geste de notre part redonnerait au vaudou, la plus ancienne de nos croyances, sa véritable dimension dans notre patrimoine culturel et serait également une juste réparation à Boukman qui paya de sa vie le prix de la dette encourue pour la libération de nos ancêtres esclaves et de nous-mêmes.
 

« Bwa Kay Imam »

Œuvre géniale et magnanime
Cette geste combien sublime
D’alliance et de fraternité
Fier terreau de notre liberté
II
Hommage à Cécilia Fatima
Imploratrice du grand Legba
Et des autres dieux tutélaires
Les véritables propriétaires
De ce petit coin de terre
III
Cette belle nuit d’alliance
Demeure l’ultime référence
Á la lutte contre les ravages
De la terreur de l’esclavage
IV
Galvanisés par la grande foi
Dans la panoplie de nos loas
Ils rejetèrent leur triste sort
En méprisant même la mort
V
Ces femmes et ces hommes
Que la postérité surnomme
Les vaillants va-nu-pieds
Symbolisent notre fierté
VI
Malgré sa grande pérennité
Cet acte demeure inachevé
Et à nous donc les héritiers
Le devoir de le parachever
VII
Bookman et tous les hounsi
Cette nuit-là ont enfin réuni
GrandMèt et Ogou-Badagri
Pour dire non à l’ignominie
VIII
Non aux suicides sauvages
Jamais plus de marronnage
Non à tous ces avortements
Et non à l’empoisonnement
IX
Sainte nuit du Bois-Caïman
Gloire à vous les san manman
Vous qui n’avez jamais hésité
Á nous forger cette fière liberté
X
Avons-nous encore le goût
De ce superbe quatorze août
Et de redire mais sans mentir
« Vivre libre ou mourir »
 
 
 
Me. Serge H. Moise,avocat
 
 
 
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