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La femme et sa sexualité : évolution et révolution

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par Jacques Jeudy

La fonction sexuelle de la femme est tout, sauf linéaire. Elle est extrêmement complexe, ondulante et difficile à cerner, même par les sexologues les mieux avertis et les « intellos à grosse tête ». Elle se veut un miroir fidèle de la mosaïque profonde de la femme ; elle embrasse le fait romantique comme ressort de commande pour se réaliser pleinement et s’assumer en tant que fonction essentielle de l’émotivité féminine. Mais avec cette complexité viennent, dans la même enveloppe, une certaine vulnérabilité et

Le fait érotique se révèle chez la femme comme l’expression majestueuse de la beauté humaine perdue au fond des âges. En plus d’être mystique et doucereux, ce mélange gracieux de romance et de sensualité féminine est capable de consumer en une bouchée le substrat corporel et faire taire la logique. « C’est à peu près comme la plume de Sade qu’on aurait vidée de sa cruauté ! »

Les années soixante ont été témoins de deux événements majeurs – parmi tant d’autres – qui ont complètement changé le cours de l’histoire universelle : la campagne pour la libération sexuelle de la femme et l’exploration de la lune par les humains. Il est vrai qu’il n’existe aucune évidence pour supporter une quelconque relation de cause à effet entre ces deux événements, en dépit du fait que la biologie féminine est volontiers régulée dans certaines circonstances par le cycle lunaire.

Pour assumer sa singularité toute féminine, la femme n’a pas attendu l’inspiration musicale des Beatles ou la fièvre brûlante du Rolling Stone ou même l’arrivée des méthodes contraceptives. Mais cette série d’événements lui ont offert le cadre parfait pour exprimer la beauté toute ingénue de ses traits et l’élégance de ses sentiments profonds. Elles lui ont aussi donné l’opportunité de vivre l’unicité de sa propre sexualité, d’en jouir pleinement et de la faire connaître, pour le grand plaisir d’une génération qui se cherchait. Sans compter, bien sûr, l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et une poussée sociale époustouflante qui se sont produites à la faveur de la révolution technologique et numérique de la deuxième moitié du XXe siècle, n’utilisant plus dorénavant la force des muscles comme prérequis, mais une intelligence pragmatique, une sensibilité instinctuelle et des qualités professionnelles spéciales, qui sont l’apanage des femmes (au contraire du travail essentiellement robuste et masculin de la révolution industrielle plusieurs décades avant).

Et depuis, tout a complètement basculé ; ou du moins, la graine fut semée, avec le ferme espoir que les fruits répondront certainement à la promesse des fleurs.

Mais singularité n’exclut pas intégration et harmonie. Il est certain que la femme sera toujours différente de sa contrepartie mâle, mais, là encore, l’antagonisme ne doit pas être de mise. Ce n’est pas la faute des femmes si les hommes doivent en général faire le nécessaire « premier pas » et joyeusement raconter ses salamalecs pour enclencher une relation amoureuse, encore moins de leur faute si les hommes doivent se vider de toute leur contenu et énergie dans l’achèvement d’un acte sexuel, ou si les hommes ne peuvent jamais avoir le plaisir de sentir un enfant bouger dans leur ventre (à moins d’une transplantation de l’utérus, qui est une possibilité médicale du futur). Il est tout aussi vrai que ce n’est pas la faute des hommes si la maturité sexuelle des femmes doit nécessairement passer par une défloration hyménéale douloureuse et stressante, si la grossesse déforme le corps de la femme et atténue le « sex appeal » et, enfin, si les règles font mal au ventre…

« … elles ont compris, comme dit Shakespeare, que toute beauté, pour être jugée utile, doit être redéfinie en termes de sa fonction. »

Conscientes de cette différence et de cette unicité, les femmes se sont lancées avec courage vers cette lueur d’espoir, se dissociant progressivement de l’ancienne image de femmes de foyer, relativement passives, dont la seule préoccupation était de se faire belles et de prendre soin de la famille et des enfants. Les temps ont bien changé ; nos filles de la fin du XXe siècle et du début du XXIe se reconnaissent aujourd’hui à peine dans le profil de leurs mères. Raisons : ces filles, devenues femmes pour la plupart, peuvent maintenant se prévaloir d’un niveau d’éducation similaire ou supérieur aux hommes ; elles ont appris de nouvelles façons de vivre découlant de fructueuses rencontres avec amis et collègues de travail ; elles se sont posées comme agents moteurs de l’économie et comme partie intégrante et essentielle de la société ; certaines d’entre elles peuvent maintenant jouir de la confiance qu’offrent un salaire mensuel et un compte bancaire ; et puis aussi et surtout, elles ont acquis une claire et pleine conscience de leur importance et de leur singularité de femme avec tout ce que cela suppose comme garantie émotionnelle, familiale et sociale ; et finalement elles ont compris, comme dit Shakespeare, que toute beauté, pour être jugée utile, doit être redéfinie en termes de sa fonction… Des choses que nous devons vivement applaudir à cette phase de l’évolution de l’humanité, mais qui, pour des raisons anthropologiques mal définies, dérangent encore le psyché et le « petit grain de fierté » de l’éternel dominant sexe masculin. C’est comme si l’homme n’avait pas encore trouvé la formule magique qui le désengagerait du poids de l’Histoire et des avatars du passé !

Sur ces entrefaites, le débat sur la satisfaction sexuelle va aussi être poussé plus loin et ramené jusque dans l’intimité du lit conjugal où la question de « l’offre et de la demande » sera posée de façon sournoise et coquine d’abord, puis avec une allure sérieuse et insistante.

« À tous ces hommes, je dirais que réagir par une fuite en avant ne pourrait qu’aggraver le problème et tordre le cou à la plus belle des manifestations de la sexualité humaine. »

Pour les besoins de la cause féminine, la barre de satisfaction sexuelle va maintenant être placée plus haut, passant de la notion du simple plaisir mâle à celle de l’harmonie du couple et de l’orgasme féminin.

La sexualité de la femme a donc évolué de façon sûre et définitive, ainsi que les critères de satisfaction sexuelle ; ce qui a terriblement paniqué les hommes durant au moins deux générations, alors que tout ceci devrait en fait être considéré comme un élément positif de l’équation de la sexualité du couple et de sa bonne santé. Naïvement, et comme par un reflexe des temps passés, les hommes ont vu arriver avec effroi cette avalanche de transformation et l’ont interprétée, à tort ou à raison, comme la perte certaine d’une vieille domination mâle qui a duré des millénaires.

Certains hommes se sont très tôt révoltés, arguant que leur suprématie sexiste découle d’interprétations bibliques et historiques. D’autres, plus conscients de l’inexorable évolution de cet aspect de la vie, se livrent en aveugles à ce « destin étrange » qui les entraîne. À tous ces hommes, je dirais que réagir par une fuite en avant ne pourrait qu’aggraver le problème et tordre le cou à la plus belle des manifestations de la sexualité humaine. Vous ne pouvez pas gagner si vous ne savez pas comment perdre avec classe. En réalité, il n’y a pas de perte, mais un gain qui sera pluriel, ce qui mathématiquement et émotionnellement double la mise.

L’auteur est chirurgien de transplantation d’organes, urologue et sexologue. Il travaille à la Polyclinique de la rue Berne, 13, rue Berne, Port-au-Prince. 

 

 

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